C'est quoi une assemblée plénière ?
Deux fois par an, en novembre et avril, tous les évêques de France se réunissent en assemblée plénière à Lourdes : c’est à la fois un temps de prière, un temps de travail, un temps de discernement et d’engagement pour la présence de l’Eglise en France.
Cette année, une grande partie de l’assemblée était consacrée à la réception du rapport de la CIASE et à la suite à donner à ses recommandations…
Des jeunes avec les évêques !
Pour réfléchir et se laisser interpeller sur la question des abus, les évêques ne sont pas restés seuls ! Ils ont d’abord accueilli des victimes, comme en 2018, qui ont pu exprimer leur colère et leurs attentes d’actions concrètes (on ne peut que vous conseiller de lire la prise de parole du Père J.-L. Souveton, victime d’abus quand il avait 15 ans). Cette première étape a été nécessaire pour que tous les évêques puissent se mettre d’accord pour reconnaître la responsabilité institutionnelle de l’Église, la dimension systémique de ces violences et le devoir de justice et de réparation qu’ils entrainent. (Pour mieux comprendre et en discuter, venez à la formation Polyèdre le 27 novembre !)
Puis vendredi et samedi, 120 invités se sont joints à l’assemblée pour échanger, prier et travailler avec les évêques : parmi eux, 24 jeunes venus de tous horizons. Avec eux dans l’hémicycle, pour les repas et pour des temps de partage sans filtres et sans tabous, ces 2 jours ont été riches en fraternité, en émotion et en prémices de réflexions, mais ne sont et ne doivent être qu’un début pour « réparer l’Eglise » ensemble et en faire une « maison sûre ».
Une jeune, Laetitia Bernoux, a transcrit son vécu et ses réflexions en dessins ! Vous y découvrirez les interrogations et les craintes à l’arrivée, les temps vécus et les sujets abordés, l’espérance et les attentes au départ…
Vous aussi vous pouvez contribuer à cette co-construction d’une maison sûre en vous formant et en venant échanger avec d’autres jeunes et avec nos évêques lyonnais. RDV à la formation Polyèdre le 27 novembre ! 😉
Des temps forts spirituellement
Le 6 novembre a été un moment marquant dans cette assemblée plénière, puisqu’il a été l’occasion pour tous ceux rassemblés, de vivre un temps de mémoire pour les victimes et de demande de pardon devant Dieu. Ce temps a été construit avec des victimes pour respecter aussi leur cheminement, et a été pour les présents un moment grave et profond.
Temps mémoriel
« Petit enfant qui pleure, Petit garçon qui t’en étais allé servir la messe, plein de fierté, petite fille qui allais te confesser le cœur plein d’espérance du pardon, jeune garçon, jeune fille, allant tout enthousiaste à l’aumônerie ou au camp scout.
Qui donc a osé souiller votre corps de ses grosses mains ? Qui a susurré à votre oreille des mots que vous ignoriez ? Qui vous a imposé cette odeur qui vous imprègne? Qui a fait de vous sa chose, tout en prétendant être votre meilleur ami ? Qui vous a entraîné dans son secret honteux ?
Petit enfant qui, à jamais pétrifié, pleure sous les voûtes d’une cathédrale, petit enfant des centaines de milliers de fois multiplié ! »
Mgr Eric de Moulins-Beaufort (président de la conférence des évêques de France)
Lors du temps mémoriel, une photo prise par une victime a été dévoilée sur le mur de l’hémicycle. C’est une première étape pour un lieu de mémoire à Lourdes, maintenant les évêques (et pas que !) passeront devant à chaque fois qu’ils s’y retrouveront.
« La parole interdite au dehors comme au-dedans de cet enfant bouleversant, m’assigne, me convoque, m’oblige à être enfin dé-préoccupée de moi-même, de nous-mêmes, de nos Maisons, nos richesses en tout genre, nos affirmations, afin que toute notre énergie soit uniquement du côté de son trop de solitude qui implore notre vérité, notre présence pour de vrai, notre réponse. Pour lui rendre enfin justice. Grâce à lui, à son visage qui implore, grâce au don de la parole des victimes et des témoins de cette douleur irreprésentable, apprendre à reconnaître le mal, à nommer ce qui fait mourir, à nommer le meurtre de l’âme commis dans nos communautés croyantes, par nos membres, clercs, religieux, religieuses, laïcs, et avoir alors comme unique angoisse le soin des larmes. »
Sr Véronique Margron (présidente de la conférence des religieux et religieuses de France)
Temps pénitentiel
Au pied de la croix, Mgr Eric de Moulins-Beaufort :
“Ô Dieu que nous osons appeler « notre Père », pardonne-nous. Refais nos cœurs.
Inspire-nous comment aller vers celles et ceux meurtris et humiliés que nous avons négligés et abandonnés. Donne ta joie à celles et ceux à qui nous avons manqué, nous que tu as établis pour porter ta parole de grâce et qui avons failli… »
Tous, évêques, prêtres, religieux et religieuses, laïcs, ont prié avec cet extrait d’une prière eucharistique :
« Ouvre nos yeux à toute détresse, inspire-nous la parole et le geste qui conviennent pour soutenir notre prochain dans la peine ou dans l’épreuve; donne-nous de le servir avec un coeur sincère selon l’exemple et la parole du Christ lui-même. Fais de ton Eglise un lieu de vérité et de liberté, de justice et de paix, pour que l’humanité tout entière renaisse à l’espérance. »
Des décisions historiques
Parce que la prière ne suffit pas, les décisions concrètes et collégiales des évêques étaient très attendues. Elles ont été votées et rendues publiques lundi 8 novembre. Parmi lesquelles :
(les R suivi d’un n° font référence aux recommandations de la CIASE)
Indemnisation et financement
En vue d’indemniser les personnes victimes, les évêques de France s’engagent à abonder selon la nécessité le fond SELAM en se dessaisissant de biens immobiliers et mobiliers de la CEF et des diocèses. (R33)
Synodalité
Pour donner suite aux travaux de l’assemblée plénière avec les personnes victimes et les autres invités, les évêques de France constituent des groupes de travail composés de laïcs, diacres, prêtres, personnes consacrées, évêques. Des personnes victimes y seront associées. (…) Un temps de réception global de ce travail aura lieu au printemps 2023 en collaboration avec les religieux/ses (CORREF) et l’ensemble des forces vives de l’Eglise en France. (R34)
Les 9 groupes de travail pilotés par des laïcs qui rendront des rapports avant chaque nouvelle assemblée plénière :
1. Partage de bonnes pratiques devant des cas signalés.
2. Confession et accompagnement spirituel (R 8, 45).
3. Accompagnement des prêtres mis en cause (R1).
4. Discernement vocationnel et formation des futurs prêtres (R44).
5. Accompagnement du ministère des évêques (R13, 34).
6. Accompagnement du ministère des prêtres (R35, 44).
7. Associer les fidèles laïcs aux travaux de la Conférence des évêques (R34, 36).
8. Analyse des causes des violences sexuelles au sein de l’Église (R2).
9. Moyens de vigilance et de contrôle des associations de fidèles menant la vie commune et de tout groupe s’appuyant sur un charisme particulier (R5).
“Nous, évêques, réalisons que nous pouvons avancer, car nous ne sommes pas seuls, nous n’avons pas à tirer tout un troupeau qui résisterait, nous sommes accompagnés par des sœurs et des frères qui brûlent autant ou plus que nous de l’amour du Seigneur et du désir de vivre de lui et d’offrir à d’autres de s’y essayer.”
Mgr Eric de Moulins-Beaufort, discours de clôture.