Retrouvez le retour de l’encyclique du Pape François par notre rédacteur Erwan C.
Laudato si, le Pape François face à la sauvegarde de la Maison Commune
« La nature est pleine de mots d’amour, mais comment pourrons-nous les écouter au milieu du bruit constant, de la distraction permanente et anxieuse, ou du culte de l’apparence ? Beaucoup de personnes font l’expérience d’un profond déséquilibre qui les pousse à faire les choses à toute vitesse pour se sentir occupées, dans une hâte constante qui, à son tour, les amène à renverser tout ce qu’il y a autour d’eux. Cela a un impact sur la manière dont on traite l’environnement. Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence « ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée » » (Laudato Si §225)
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L’encyclique Laudato si du Pape François est un événement, non seulement pour l’Eglise catholique, mais pour toute l’humanité : en effet, avec plus de 150000 exemplaires vendus en France durant l’été, c’est une prise de conscience générale pour la sauvegarde de la maison commune, de la planète.
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Attendue dès le début du ministère du Pape François, Laudato si contient son programme annoncé lors de son intronisation. Il parle dès sa première homélie de la sauvegarde de la maison commune comme soin à apporter à la création.
Cette encyclique est résolument pastorale et relativement provocatrice dans son ton : « [cette encyclique est une] longue réflexion, à la fois joyeuse et dramatique » (Laudato Si, §246). C’est un document qui d’après les mots même du Pape s’inscrit dans une doctrine sociale pour l’Eglise : il faut garder en mémoire ce qui était annoncé dans Evangelii Gaudium : « Les pauvres ont une place de choix dans le cœur de Dieu, au point que lui-même « s’est fait pauvre » (2 Co 8, 9). Tout le chemin de notre rédemption est marqué par les pauvres. » (Evangelii Gaudium, §197). Le Pape souhaite développer un rapport à l’universel de manière significative, aux hommes de bonne volonté et à tous les habitants de cette terre.
Il révèle ici son attachement aux mouvements populaires, qui sont un enracinement théologique où se vivent les convictions les plus profondes de la Foi. De son expérience d’évêque de Buenos Aires, il a conservé un sens de la pauvreté, un bien vive (en contradiction avec le consumérisme européen). C’est ici que prend place le rôle fondamental du milieu associatif, qui prend dans nos sociétés le pas sur les gouvernements. Il souhaite un changement de style de vie, que l’éducation à l’écologie peut entraîner.
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Laudato si se décompose en six chapitres bâtis autour du concept d’écologie intégral (concept que le Pape développe et explicite lors du quatrième chapitre) : il présente ici cette nouveauté vis-à-vis de ses prédécesseurs qui mettaient plus en avant l’écologie humaine : le Pape Francois cherche à articuler les rapports à Dieu, à soi, aux autres, et à la nature sans créer de déséquilibre entre ces différents rapports. Le Pape François fait toujours appel à une compréhension du réelle comme tissée de relation, et en processus dynamique : « le monde, créé selon le modèle divin, est un tissu de relations. Les créatures tendent vers Dieu, et c’est le propre de tout être vivant de tendre à son tour vers autre chose, de telle manière qu’au sein de l’univers nous pouvons trouver d’innombrables relations constantes qui s’entrelacent secrètement. Cela nous invite non seulement à admirer les connexions multiples qui existent entre les créatures, mais encore à découvrir une clé de notre propre épanouissement. En effet, plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit et plus elle se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation, quand elle sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création (Laudato Si, §240) ». L’encyclique défend l’idée d’un monde conçu de systèmes ouverts, qui entrent en communication les uns avec les autres : il est question de création, mais nous sommes loin d’un fondamentalisme littéraire qui voudrait se supplanter au modèle scientifique.
Le parcours commence par une écoute des meilleurs résultats scientifiques aujourd’hui sur les matières environnementales : la science est un instrument privilégié au travers duquel il faut écouter le bruit de la terre : c’est un vrai dialogue entre la science, la théologie et l’humanité.
C’est à la lumière de l’Évangile de la création que l’on peut reconnaître son don, la substance de la foi (« En même temps, les énormes et rapides changements culturels demandent que nous prêtions une constante attention pour chercher à exprimer la vérité de toujours dans un langage qui permette de reconnaître sa permanente nouveauté. Car, dans le dépôt de la doctrine chrétienne « une chose est la substance […] et une autre la manière de formuler son expression » » (Evangelii Gaudium, §41). La connaissance de cette grâce nous invite à l’examen de conscience sur la reconnaissance de nos péchés.
Le troisième chapitre commence par une analyse aux racines de la situation actuelle très abrupte, « les ressources de la terre sont aussi objet de déprédation à cause de la conception de l’économie ainsi que de l’activité commerciale et productive fondées sur l’immédiateté » (Laudato Si, §32), le but de cette analyse est d’élaborer le profil de l’écologie intégrale au prochain chapitre, et de mieux prendre en compte la place spécifique de l’être humain dans le monde.
L’articulation de l’encyclique peut se retrouver dans ce quatrième chapitre : le Pape Francois cherche le changement possible de vie, par l’abandon des idoles et l’accueil de l’Évangile de la création : c’est l’écologie intégrale qui n’oppose pas l’écologie humaine et environnementale mais qui considère que la protection des hommes passe par le respect de la terre.
– Le Pape critique le paradigme technocratique qui est un ensemble des conceptions de la technologie qui depuis René Descartes considèrent la nature comme étant un système des ressources à exploiter. C’est cette exploitation qui est à l’origine de la crise économique actuelle : ce sont des représentations non chrétiennes qu’il convient donc d’abandonner. Le mouvement de reconstruction doit être redécouvert dans le rapport à la nature ! Il est nécessaire de se mettre au service du Créateur pour en reconnaître les traces dans la création : c’est le regard d’espérance chrétienne qui permet de mobiliser les énergies pour la sauvegarde de la maison commune.
Après un long appel et une longue série de renouvellement possibles et voulus par François, l’encyclique se termine par deux prière, l’une à partager avec tous les croyants, l’autre à partager entre communautés chrétiennes.
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Avec le Pape François nous sommes face à un Pape postmoderne « l’homme et la femme du monde post-moderne courent le risque permanent de devenir profondément individualistes, et beaucoup de problèmes sociaux sont liés à la vision égoïste actuelle axée sur l’immédiateté, aux crises des liens familiaux et sociaux, aux difficultés de la reconnaissance de l’autre. Bien des fois, il y a une consommation des parents, immédiate et excessive, qui affecte leurs enfants de plus en plus de difficultés pour acquérir une maison et pour fonder une famille. En outre, notre incapacité à penser sérieusement aux générations futures est liée à notre incapacité à élargir notre conception des intérêts actuels et à penser à ceux qui demeurent exclus du développement (Laudato Si, §162) ». C’est pourquoi le tout est lié revient comme un leitmotiv dans cette encyclique. Il y a une relation de réciprocité entre l’humain et la nature, et il n’existe pas d’écologie sans anthropologie adéquate. C’est une vision qui n’est pas synthétique, mais intégrale : Francois prend à contre pieds l’anthropocentrisme démesuré du monde actuel qui va à l’encontre de la recherche du bien commun.
– Excursus : l’influence de St Francois d’Assise et des deux précédents pontifes, Jean Paul II et Benoit XVI
Très explicite dans Laudato si, le saint écologique traverse tout le document : son nom de règne, Francois, le nom de l’encyclique repris des Fioretti, les expressions telles que « notre sœur la terre » en sont des preuves.
Cette inspiration franciscaine se retrouve chez Benoit XVI, qui lui-même prend son inspiration chez St Bonaventure. Mais c’est à Jean Paul II que revient l’honneur d’avoir remis à jour la spiritualité de St Francois : en novembre 1979, il consacrait St Francois d’Assise comme patron des écologistes.
Il est d’ailleurs aisé de voir comment le Pape François épouse les idées de ses prédécesseurs : Jean Paul II est cité 25 fois, et Benoît XVI 20 fois dans Laudato si.
Retrouvez Laudato si – Préfacé par Nicolas Hulot et Mgr Barbarin aux éditions Quasar